Hauteur des vagues: un nouveau record

Le mois de Février 2011 a été particulièrement agité dans l'Atlantique Nord. Avec 20,1 m c'est la tempête Quirin qui emporte le nouveau record des plus hautes vagues jamais mesurées dans l'océan. Dans une étude qui vient d'être publiée (numéro de décembre 2012 du Bulletin of American Meteorological Society), une équipe de chercheurs dissèque ce monstre ...

Un nouveau record
Les vagues géantes de la tempête Quirin ont été mesurées par un altimètre radar du satellite Jason 2. La valeur de 20,1 m enregistrée le 14 février 2011 est la plus forte "hauteur significative" mesurée par un altimètre depuis le début de ce type de mesures à la fin des années 1980. Cette "hauteur significative" est une moyenne des hauteurs des vagues. Bien que ce radar ne puisse pas mesurer la hauteur des vagues une par une, les statistiques des hauteurs de vagues suggèrent que la plus haute vague de Quirin mesurait probablement plus de 36 m de haut, autant qu'un immeuble de 12 étages. Des vagues plus hautes ont probablement déjà existé, mais on ne les a pas encore mesurées au milieu de l'océan.

Hauteurs ... et périodes
Les radars embarqués sur les satellites n'ont pas été conçus pour mesurer des hauteurs aussi impressionnantes, et on peut donc se demander si ces mesures sont correctes. Toutefois, on sait que les vagues très hautes doivent avoir de très longues périodes, or ces périodes sont à peu près conservées au cours de la propagation des vagues qui se dispersent sous forme de houle sur tout l'océan. Les houles qui ont atteint toutes les côtes Européennes entre le 15 et le 16 février avaient effectivement des périodes record, jusqu'à 25 secondes enregistré au nord de l'Irlande, alors que 18 secondes est déjà exceptionnel. Les mesures du satellite Jason-2 sont donc crédibles.

Le rêve d'un surfeur et le cauchemar d'un capitaine de port.

Avec de si grandes périodes, l'amplification de la hauteur de la houle par la topographie du fond marin est exacerbée, et peut être important au large même par 200 m de fond. Les houles longues sont aussi à l'origine de fortes oscillation du niveau de la mer dans les bassins portuaires, un phénomène connu sous le nom de seiche. Ainsi Quirin a permis au surfeur français Benjamin Sanchis de remporter en 2011 le prix "Billabong XXL" de la plus grosse vagues surfée dans le monde. Son exploit du 16 février a eu lieu alors que les plus grosses vagues étaient déjà passées dans la nuit du 15 au 16. Cette nuit là, le port de Royan a subi d'importants dommages à cause de la seiche provoquée par cette même houle.

Comment de si hautes et longues vagues sont-elles possibles?
Les vagues sont générées par le vent, et le vent est plus fort près du coeur des depressions. Toutefois, on ne trouve pas les plus fortes vagues dans les ouragans, alors qu'on y trouve les vents les plus forts. La raison en est assez simple: les vagues se propagent et il faut que les vents forts suivent cette propagation pour continuer à les amplifier.
Ainsi, l'analyse de la tempête Quirin montre que, comme pour ses cousines, les très fortes hauteurs sont rendues possibles par le déplacement de la dépression à la même vitesse que les vagues. Cet effet est bien reproduit par la modélisation numérique. Il subsiste toutefois une certaine incertitude: les prévisions des vitesses du vent sont très difficile à vérifier dès que l'on dépasse les 50 noeuds. Les satellites utilisés habituellement pour mesurer le vent par une technique "diffusiométrique" sont assez peu sensibles à des variations de vitesse au delà de 50 noeuds. D'autres techniques ont été proposées, mais on manque encore de recul pour être sûr de leur fiabilité. Il n'est donc pas étonnant que les différents centres de prévision météorologique donnent des estimations de la vitesse du vent qui sont très différentes.

Une recrudescence des tempêtes comme Quirin?
On sait depuis un siècle que les vagues en mer sont la source du "bruit de fond sismique" enregistré partout à la surface de la terre.
L'analyse de la tempête Quirin a donc été l'occasion de réaliser la première étude complète du bruit sismique associé à une telle tempête, en utilisant toutes les stations sismiques, des Acores à la Norvège. On a montré que le niveau de bruit aux grandes périodes était lui aussi exceptionnel. On peut donc s'appuyer sur les mesures sismiques pour remonter le temps et étudier le climat des houles avant les années 90 quand, aucun satellite ne mesurait les vagues et peu de bouées en mer étaient en place. La série de mesure continue fournie par les altimètres depuis 20 ans n'est pas suffisante pour identifier une possible tendance à la hausse de la fréquence de tels évènements extrêmes. En effet les altimètres ne mesurent que la hauteur des vagues et ce seulement à la verticale du satellite qui les porte, ignorant de grandes étendues d'océan entre deux traces. Les bouées et les sismographes peuvent remplir ces trous car ils permettent de mesurer la période des vagues, qui est cohérente sur de grandes distances.

Prise de quart en orbite
La capacité des satellites à mesurer la période des vagues en même temps que leur hauteur sera fortement augmentée avec l'amélioration des techniques d'analyse d'images radar pour les futures mission spatiales Sentinel 1A et 1B de l'Agence Spatiale Européenne. Par ailleurs, le SWIM, un nouveau type de radar encore jamais mis en orbite, sera embarqué sur le satellite Sino-Français CFOSAT. Ces nouveaux capteurs vont ainsi élargir considérablement les capacités actuelles et permettre une meilleure prévision des vagues en mer.