Grosses vagues sur les falaises: mais jusqu'où l'eau peut-elle monter?
Il est bien connu que les vagues sont la cause d'une montée du niveau de la mer pendant les tempêtes, mais jusqu'où peut monter l'eau? Cette question a été longuement étudiée pour des digues, des plages en pentes douce, ou des récifs coraliens. De nouvelles mesures sur la falaise exposée de l'Ile de Bannec, dans l'archipel de Molène nous permettent de mieux comprendre pourquoi cette réserve naturelle est régulièrement submergée, malgré une falaise qui semble la protéger des assauts de la mer. Dans une étude à paraître dans la revue "Geophysical Research Letters", nous montrons qu'un élément déterminant dans les submersions est la présence de variations du niveau de la mer à l'échelle de quelques minutes. Avec une hauteur de 3 mètres, c'est un cas extrême des 'ondes infragravitaires' que l'on mesure sur les plages. Ces oscillations du niveau d'eau permettent aux vagues d'attaquer le haut de la falaise et de la franchir. Ces oscillations sont clairement associées aux vagues, et sont d'autant plus fortes que la hauteur et la période des vagues augmentent. Un progamme de mesures est en cours, associant le SHOM, l'Ifremer et le laboratoire Géomer dans le cadre du Labex Mer, pour mieux comprendre les mécanismes d'amplification de ces ondes infragravitaires à la côte, et leur propagation vers le large. Des observations de dégâts et disparitions mystérieuses ailleurs dans le monde suggèrent qu'il s'agit probablement d'un phénomène assez général. L'exploitation des nouvelles mesures pourra nourrir les réflexions sur les plans de prévention des risques de submersion et la vigilance vagues-submersion marine développée par le SHOM et Météo-France.
La ligne verte sur la figure indique la position de l'instrument en haut de failaise: lorsque le niveau mesuré descend à ce niveau, l'instrument est à sec et mesure la pression atmosphérique.
publication sur le site de l'éditeur
Les premières mesures de niveau d'eau sur la falaise de Bannec ont été réalisées grâce au soutien de l'Agence Nationale de la Recherche pour un projet sur les les évênements extrêmes du large à la côte (HEXECO). Après une première reconnaissance en février 2008, des enregistreurs de pression ont été boulonnés dans la falaise ouest de l'île de Bannec qui est suivie depuis plusieurs années par Bernard Fichaut et Serge Suanez, du laboratoire Géomer. Ils y étudient particulièrements le mouvement de gros blocs de granite qui sont arrachés en haut de la falaise - soit 6 mètres au dessus du niveau de la marée - et projetés à l'intérieur de l'île. Après avoir essayé d'imaginer comment la mer atteint une telle hauteur et comment les blocs bougent, un programme de mesure a été mis en place grâce à l'aide de la Réserve Naturelle d'Iroise, gestionnaire de l'île de Bannec.
Les instruments sont arrivés trop tard pour la tempête de mars 2008, qui a bouleversé le paysage de l'île avec de nombreux blocs transportés (voir par ailleurs l'étude de Fichaut et Suanez parue dans la revue Marine Geology). Les mesures réalisées de octobre 2008 à mai 2009 ont tout de même révélé que les plus forts niveaux d'eau n'étaient pas des vagues "normales", mais la combinaison de "vagues normales" avec de fortes oscillations de grande période, appelées "ondes infragravitaires".
Ainsi, sur une plage la différence de niveau est souvent dominée par les vagues et le niveau moyen, sauf pour des pentes faibles. Dans le cas de la falaise de Bannec, on retrouve une amplitude des ondes infragravitaires qui est presque deux fois plus grande que ce qui est typiquement mesuré sur une plage pour une même hauteur et période des vagues au large.
Avec les récentes tempêtes de janvier 2014 (voir le site de la Réserve Naturelle) , il est clair que les instruments ré-installés par le SHOM permettront de mieux comprendre les mouvements de des vagues. Dans quelle mesure est-ce spécifique à la forme de cette falaise? Retrouve-t-on les mêmes niveaux d'eau extrême sur toutes les falaises? Cela n'est pas encore clair. Toutefois des dégâts ont déjà été constaté au sommet de falaises de plus de 20 mètres sur l'île de Niue au large de l'Australie, et au nord de l'Ecosse.